Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/172

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gnier, le lierre et la vigne pressent et ensevelissent de leurs rameaux, et où le vigneron de Castellamare ou de Sorrente creuse une grotte fermée d’une porte pour conserver son vin à côté du cep qui l’a porté.

Essoufflés par la montée longue et rapide que nous venions de faire et par le poids de nos rames que nous portions sur nos épaules, nous nous arrêtâmes un moment, le vieillard et nous, pour reprendre haleine dans cette cour. Mais l’enfant, jetant sa rame sur un tas de broussailles et gravissant légèrement l’escalier se mit à frapper à l’une des fenêtres avec sa torche encore allumée, en appelant d’une voix joyeuse sa grand-mère et sa sœur : « Ma mère, ma sœur ! Madre ! Sorellina ! criait-il, Gaetana ! Graziella ! réveillez-vous ; ouvrez, c’est le père, c’est moi ; ce sont des étrangers avec nous. »

Nous entendîmes une voix mal éveillée, mais claire et douce, qui jetait confusément quelques exclamations de surprise du fond de la maison. Puis le battant d’une des fenêtres s’ouvrit à demi, poussé par un bras nu et blanc qui sortait d’une manche flottante, et nous vîmes, à la lueur de la torche que l’enfant élevait vers la fenêtre, en se dressant sur la pointe des pieds, une ravissante figure de jeune fille apparaître entre les volets plus ouverts.

Surprise au milieu de son sommeil par la voix de son frère, Graziella n’avait eu ni la pensée ni le temps de s’arranger une toilette de nuit. Elle s’était élancée pieds nus à la fenêtre, dans le désordre où elle dormait sur son lit. De ses longs cheveux noirs, la moitié tombait sur une de ses joues ; l’autre moitié se tordait autour de son cou, puis, emportée de l’autre côté de son épaule par le vent qui soufflait avec force, frappait le volet entrouvert et revenait lui fouetter le visage comme l’aile d’un corbeau battue du vent.