Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la vie de l’homme que le chagrin use qui ne repousse pas. Un jour de larmes consume plus de forces qu’un an de travail. Descendez avec nous, avec votre femme et vos enfants. Nous sommes vos matelots ; nous vous aiderons à remonter ce soir dans la cour, les débris de votre naufrage. Vous en ferez des clôtures, des lits, des tables, des meubles pour la famille. Cela vous fera plaisir un jour de dormir tranquille dans votre vieillesse au milieu de ces planches, qui vous ont si longtemps bercé sur les flots. – Qu’elles puissent seulement nous faire des cercueils ! » murmura sourdement la grand-mère.


XX


Cependant ils se levèrent et nous suivirent tous en descendant lentement les degrés de la côte ; mais on voyait que l’aspect de la mer et le son des lames leur faisaient mal. Je n’essayerai pas de décrire la surprise et la joie de ces pauvres gens quand, du haut du dernier palier de la rampe, ils aperçurent la belle embarcation neuve, brillante au soleil et tirée à sec sur le sable à côté des débris de l’ancienne, et que mon ami leur dit : « Elle est à vous ! » Ils tombèrent tous comme foudroyés de la même joie à genoux, chacun sur le degré où il se trouvait, pour remercier Dieu, avant de trouver des paroles pour nous remercier nous-mêmes. Mais leur bonheur nous remerciait assez.

Ils se relevèrent à la voix de mon ami qui les appelait. Ils coururent sur ses pas vers la barque. Ils en firent d’abord à distance et respectueusement le tour, comme s’ils eussent craint qu’elle n’eût quelque chose de fan-