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quelque chose de palpitant comme la vie et d’immuable comme l’immortalité.

J’éprouve quelque chose de ce sentiment d’hésitation en rouvrant pour vous ce livre scellé de ma mémoire. Sous ce voile de l’oubli il y a une morte : c’est ma jeunesse ! Que d’images délicieuses, mais aussi que de regrets saignants se ranimeront avec elle ! N’importe ; vous le voulez, je vous obéis. Dans quelle main plus douce et plus pieuse pourrais-je remettre, pour les conserver quelques jours, les cendres encore tièdes de ce qui fut mon cœur ?


II


Mon Dieu ! j’ai souvent regretté d’être né ! j’ai quelquefois désiré de reculer jusqu’au néant, au lieu d’avancer, à travers tant de mensonges, tant de souffrances et tant de pertes successives, vers cette perte de nous-mêmes que nous appelons la mort ! Cependant, même dans ces moments où le désespoir l’emporte sur la raison, et où l’on oublie que la vie est un travail imposé pour nous achever nous-mêmes, je me suis toujours dit : Il y a quelque chose que je regretterais de n’avoir pas goûté, c’est le lait d’une mère, c’est l’affection d’un père, c’est cette parenté des âmes et des cœurs avec des frères ; ce sont les tendresses, les joies et même les tristesses de la famille ? La famille est évidemment un second nous-mêmes, plus grand que nous-mêmes, existant avant nous et nous survivant avec ce qu’il y a de meilleur de nous ; c’est l’image de la sainte et amoureuse unité des êtres révélée par le petit groupe d’êtres qui tiennent les