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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/246

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tuaire de cette famille dont le sort s’agitait ainsi devant un étranger.

Je sortis en avertissant Beppo que je ne reviendrais pas de quelques jours. Je pris au hasard la direction que me tracèrent mes premiers pas. Je suivis les longs quais de Naples, la côte de Resina, de Portici, le pied du Vésuve. Je pris des guides à Torre del Greco ; je couchai sur une pierre à la porte de l’ermitage de San Salvatore, aux confins où la nature habitée finit et où la région du feu commence. Comme le volcan était depuis quelque temps en ébullition et lançait à chaque secousse des nuages de cendre et de pierres que nous entendions rouler la nuit jusque dans le ravin de lave qui est au pied de l’ermitage, mes guides refusèrent de m’accompagner plus loin. Je montai seul ; je gravis péniblement le dernier cône en enfonçant mes pieds et mes mains dans une cendre épaisse et brûlante qui s’éboulait sous le poids de l’homme. Le volcan grondait et tonnait par moments. Les pierres calcinées et encore rouges pleuvaient ça et là autour de moi en s’éteignant dans la cendre. Rien ne m’arrêta. Je parvins jusqu’au rebord extrême du cratère. Je m’assis. Je vis lever le soleil sur le golfe, sur la campagne et sur la ville éblouissante de Naples. Je fus insensible et froid à ce spectacle que tant de voyageurs viennent admirer de mille lieues. Je ne cherchais dans cette immensité de lumière, de mers, de côtes et d’édifices frappés du soleil qu’un petit point blanc au milieu du vert sombre des arbres, à l’extrémité de la colline du Pausilippe où je croyais distinguer la chaumière d’Andréa. L’homme a beau regarder et embrasser l’espace, la nature entière ne se compose pour lui que de deux ou trois points sensibles auxquels toute son âme aboutit. Ôtez de la vie le cœur qui vous aime : qu’y reste-t-il ? Il