Aller au contenu

Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Seulement sa faiblesse avait trahi son effort ; elle était retombée sur le tas de bruyère sèche qui lui servait de lit, et joignait ses mains en me regardant. Ses yeux animés par la fièvre, ouverts par l’étonnement et alanguis par l’amour brillaient fixes comme deux étoiles dont les lueurs tombent du ciel, et qui semblent vous regarder.

Sa tête, qu’elle cherchait à relever, retombait de faiblesse sur les feuilles, renversée en arrière et comme si le cou était brisé. Elle était pâle comme l’agonie, excepté sur les pommettes des joues teintes de quelques vives roses. Sa belle peau était marbrée de taches de larmes et de la poussière qui s’y était attachée. Son vêtement noir se confondait avec la couleur brune des feuilles répandues à terre et sur lesquelles elle était couchée. Ses pieds nus, blancs comme le marbre, dépassaient de toute leur longueur le tas de fougères et reposaient sur la pierre. Des frissons couraient sur tous ses membres et faisaient claquer ses dents comme des castagnettes dans une main d’enfant. Le mouchoir rouge qui enveloppait ordinairement les longues tresses noires de ses beaux cheveux était détaché et étendu comme un demi-voile sur son front jusqu’au bord de ses yeux. On voyait qu’elle s’en était servie pour ensevelir son visage et ses larmes dans l’ombre comme dans l’immobilité anticipée d’un linceul, et qu’elle ne l’avait relevé qu’en entendant ma voix et en se plaçant sur son séant pour venir m’ouvrir.