Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/261

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frapper au monastère, il était trop tard, la porte était fermée. On a refusé de m’ouvrir. Je suis venue ici pour passer la nuit et baiser les murs de la maison de mon père avant d’entrer dans la maison de Dieu et dans le tombeau de mon cœur. J’ai écrit par un enfant à une amie de venir me chercher demain. J’ai pris la clef. J’ai allumé la lampe devant la madone. Je me suis mise à genoux et j’ai fait un vœu, un dernier vœu, un vœu d’espérance jusque dans le désespoir. Car tu sauras, si jamais tu aimes, qu’il reste toujours une dernière lueur de feu au fond de l’âme, même quand on croit que tout est éteint. « Sainte protectrice, lui ai-je dit, envoyez-moi un signe de ma vocation pour m’assurer que l’amour ne me trompe pas et que je donne véritablement à Dieu une vie qui ne doit appartenir qu’à lui seul !

« Voici ma dernière nuit commencée parmi les vivants. Nul ne sait où je la passe. Demain peut-être on viendra me chercher ici quand je n’y serai déjà plus. Si c’est l’amie que j’ai envoyé avertir qui vient la première, ce sera signe que je dois accomplir mon dessein, et je la suivrai pour jamais au monastère.

« Mais si c’était lui qui parût avant elle !… lui, qui vînt, guidé par mon ange, me découvrir et m’arrêter au bord de mon autre vie !… Oh ! alors, ce sera signe que vous ne voulez pas de moi, et que je dois retourner avec lui pour l’aimer le reste de mes jours !

« Faites que ce soit lui ! ai-je ajouté. Faites ce miracle de plus, si c’est votre dessein et celui de Dieu ! Pour l’obtenir je vous fais un don, le seul que je puisse faire, moi qui n’ai rien. Voici mes cheveux, mes pauvres et longs cheveux qu’il aime et qu’il dénoua si souvent en riant pour les voir flotter au vent sur mes épaules. Prenez-les, je vous les donne, je vais les