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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/343

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III


Louis de Vignet, sa sœur, aussi spirituelle que lui, et moi, nous admirions en silence ces éruptions de grâce, de feu et de foi. La théocratie, prêchée sous un si beau ciel par une si belle bouche, dans une si belle langue, par une jeune fille qui ressemblait aux filles d’un prophète, avait en ce temps-la un grand charme pour mon imagination. Ce serait si beau, si le royaume de Dieu n’avait pas des hommes pour ministres ! Plus tard, il me fallut reconnaître que le royaume de Dieu ne pouvait être que cette révélation éternelle dont le Verbe est le code et dont les siècles sont les ministres. Je revins vite à la liberté qui laisse penser et parler tous les verbes dans tous les hommes.


IV


Mon ami nous récitait des vers suaves et mélancoliques qu’il allait recueillir un à un dans les bruyères de ses montagnes et qu’il ne publia jamais, de peur de leur enlever cette fleur que le plein air enlève à l’âme comme aux pêches et aux raisins des espaliers. Je commençais aussi alors à en balbutier quelques-uns. Je les récitais en rougissant devant le comte de Maistre et ses filles. « Ce jeune Français, disait M. de Maistre à son neveu, a une belle langue pour instrument de ses idées. Nous verrons ce qu’il en fera quand l’âge des idées sera venu, Que ces