Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/390

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des Alpes du hâle qui bronze la peau des filles du Midi.

Celle-ci était assise, accoudée sur son bras gauche, entre l’enfant qui paraissait son frère par la ressemblance, et le jeune homme, qu’on pouvait prendre pour son fiancé ou pour son amant. Sa main droite avait attiré à elle l’instrument de musique encore à moitié enveloppé de son fourreau de cuir. Elle s’amusait à en tirer quelques sons en tournant du bout du doigt la manivelle, sans avoir l’air de les entendre et comme pour se distraire de ses pensées. Sa physionomie était un mélange de résolution insouciante et de profonde rêverie, qui lui remontait du cœur en ombre sur le visage, en humidité dans ses beaux yeux. On voyait qu’un drame muet se passait entre ces deux figures qui n’osaient se regarder de peur de pleurer, mais qui se voyaient et qui s’entendaient en ayant l’air de regarder et d’écouter ailleurs.

Hélas ! c’était le drame éternel de la vie : la main qui attire et la main qui repousse ! l’amour et l’obstacle, le bonheur et la séparation... Je compris du premier coup d’œil que cette halte était celle que les jeunes filles de ces montagnes font avec leurs amants partant pour leurs courses lointaines, après les avoir conduits seules à une demi-journée de leur village.
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