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IX


Une voix tendre et douce me réveilla sous un beau rayon de soleil levant qui glissait par-dessus le toit du couvent sur mon alcôve.

Je m’appuyai sur le coude et je reconnus ma mère, qui approchait une chaise et qui s’asseyait au chevet de mon lit. Elle était vêtue d’une longue robe de nuit de soie brune montant jusqu’au cou, et nouée autour de la taille par une grande corde de soie enroulée, de même couleur, dont les glands pendaient jusqu’à terre.

Ses longs cheveux noirs, à peine encore diaprès de trois ou quatre fils blancs, flottaient sur ses épaules et sur ses bras, avec ces belles ondes de chevelure qui viennent d’échapper à l’oreiller et qui en conservent les plis. Ses yeux étaient fatigués par l’insomnie ; ses joues, naturellement pâles, avaient cette légère coloration fiévreuse que donne l’âme inquiète à son enveloppe au moment d’une douleur ou d’une émotion. Ses lèvres, qu’elle s’efforçait de rendre souriantes pour ne pas me troubler le réveil, mais où s’apercevait une contention visible et voisine des larmes, souriaient au milieu et pleuraient aux coins. Ses paroles, toujours sonores et vibrantes comme des cordes du cœur touchées par la main, avaient un rhythme bref, brisé, un peu saccadé, qui ne lui était naturel que dans les vives peines plus fortes un moment que sa résignation. Elle passa sa main droite dans mes cheveux, m’embrassa sur le front, où je sentis la goutte chaude d’une larme mal retenue, et me parla ainsi :