Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/428

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qu’inconnue, je l’aime en Dieu et en toi ! Je ne t’en parlerai jamais, il y a des choses qu’une mère doit ignorer toujours, ne pouvant ni les approuver dans sa conscience, ni les flétrir dans le cœur de son fils, de pour de froisser et d’aliéner le cœur lui-même. N’en parlons plus ; n’en parlons jamais. »

Ce respect tendre pour mon sentiment, qui ne sacrifiait rien de sa conscience et de sa dignité de mère, me toucha ; j’embrassai sa main. Elle continua avec plus de liberté et d’abandon. On sentait, dans la plénitude de sa voix, que le sujet délicat était désormais écarté entre nous, et qu’elle allait laisser parler sa seule tendresse.

Que vas-tu devenir maintenant ? me dit-elle, et comment vas-tu supporter cette existence vide, monotone, oisive, d’autant plus exposée aux passions coupables du cœur qu’elle est moins remplie des devoirs et des occupations d’une carrière active ? Je tremble et je pleure toutes les nuits en y pensant ; n’aurai-je donc enfanté, mon Dieu ! me dis-je souvent, un fils orné de quelques-uns de vos dons les plus précieux, et que j’espérais former de plus en plus pour mon admiration et pour votre gloire, que pour voir vos dons mêmes et ses facultés se retourner contre lui et le ranger dans l’inaction et dans l’obscurité d’une vie inutile ? Vous savez que je donnerais mon sang comme j’ai donné mon lait pour en faire un homme, et surtout pour en faire un homme selon votre cœur ! Mais je ne suis pas exaucée, ajouta-t-elle en cessant de parler à Dieu et en se retournant vers moi avec un léger mouvement de tête de gauche à droite qui semblait accuser, pour la première fois, en elle, une certaine révolte de sa résignation.

« Oh ! non : j’ai beau prier, j’ai beau me lever avant le jour pour aller à l’église assister, avec les servantes,