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seillait, consolait sa femme et parlait de son enfant. Ma pauvre mère m’apportait tous les jours dans ses bras au grenier, me montrait à mon père, m’allaitait devant lui, me faisait tendre mes petites mains vers les grilles de la prison ; puis, me pressant le front contre sa poitrine, elle me dévorait de baisers, adressant ainsi au prisonnier toutes les caresses dont elle me couvrait à son intention.


V


Ainsi se passèrent des mois et des mois, troublés par la terreur, agités par l’espérance, éclairés et consolés quelquefois par ces lueurs que deux regards qui s’aiment se renvoient toujours jusque dans la nuit de la tristesse et de l’adversité. L’amour inspira à, mon père une audace plus heureuse encore et dont le succès rendit l’emprisonnement même délicieux, et lui fit oublier l’échafaud.

J’ai déjà dit que la rue qui séparait le couvent des Ursulines de la maison paternelle était très-étroite. Non content de voir ma mère, de lui écrire et de lui parler, mon père conçut l’idée de se réunir à elle en franchissant la distance qui les séparait. Elle frémit, il insista. Quelques heures de bonheur dérobées aux persécutions et à la mort peut-être valaient bien une minute de danger. Qui sait si cette occasion se retrouverait jamais ? si demain on n’ordonnerait pas de transférer le prisonnier à Lyon, à Paris, à l’échafaud ? Ma mère céda. A l’aide de la flèche et du fil elle fit passer une lime. Un des barreaux de fer de la petite fenêtre de la prison fut silencieusement limé et remis à sa place. Puis un soir, où il n’y avait