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peu de temps après, prouva bien que ces soupçons étaient des chimères. Je le vis mourir à l’hôpital de Mâcon, sur un grabat, ayant toute sa richesse sur une chaise au pied de son lit, avec son chien blanc. Mon oncle m’y conduisit, il allait lui offrir un asile et des secours. M. de Valmont refusa tout avec des larmes de reconnaissance, mais avec la dignité fière d’un stoïcien. Il me pria seulement, comme le plus jeune, d’avoir soin, après lui, du pauvre animal qui lui tenait compagnie jusqu’a l’agonie. Il y touchait : il mourut le sur lendemain.


XXXV


Un des hommes les plus remarquables de cette société du soir était un gentilhomme franc-comtois, marié it Mâcon, nommé M. de Larnaud. C’était un homme d’une taille colossale et d’une voix tonnante, quoique d’une physionomie très-intelligente et très-douce ; un ancien Germain aux cheveux blonds et aux yeux bleus, plongé dans la civilisation moderne. Je n’ai jamais vu réunies dans une même nature et à plus grandes doses deux qualités qui, ordinairement, sont exclusives l’une de l’autre : l’érudition de l’esprit et la fougue de l’imagination. Il savait tout, et il passionnait tout. Jeune, riche et oisif au moment de la révolution, il s’y était précipité avec les délires d’une belle âme enivrée de ses espérances pour l’humanité. Il avait brûlé ses vaisseaux alors avec le trône, l’aristocratie, les superstitions du passé. Il n’avait pas été jusqu’au crime, parce qu’il était la conscience, la vertu désintéressée et l’humanité mêmes ; mais il avait été jusqu’aux vertiges, et l’on citait encore