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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/85

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toutes les larmes de l’admiration, toutes les effusions de son cœur, toutes les sollicitudes de sa vie et toutes les espérances de son immortalité s’étaient tellement identifiées avec sa foi, qu’elles en faisaient, pour ainsi dire, partie dans sa pensée, et qu’en perdant ou en altérant sa croyance, elle aurait cru perdre à la fois son innocence, sa vertu, ses amours et ses bonheurs ici-bas, et ses gages de bonheur plus haut, sa terre et son ciel enfin ! Aussi y tenait-elle connue à son ciel et à sa terre. Et puis, elle était née pieuse comme on naît poëte ; la piété, c’était sa nature ; l’amour de Dieu, c’était sa passion ! Mais cette passion, par l’immensité de son objet et par la sécurité même de sa jouissance, était sereine, heureuse et tendre comme toutes ses autres passions.

Cette piété était la part d’elle-même qu’elle désirait le plus ardemment nous communiquer. Faire de nous des créatures de Dieu en esprit et en vérité, c’était sa pensée la plus maternelle. À cela encore elle réussissait sans systèmes et sans efforts et avec cette merveilleuse habileté de la nature qu’aucun artifice ne peut égaler. Sa piété, qui découlait de chacune de ses inspirations, de chacun de ses actes, de chacun de ses gestes, nous enveloppait, pour ainsi dire, d’une atmosphère du ciel ici-bas. Nous croyions que Dieu était derrière elle et que nous allions l’entendre et le voir, comme elle semblait elle-même l’entendre et le voir, et converser avec lui à chaque impression du jour. Dieu était pour nous comme l’un d’entre nous. Il était né en nous avec nos premières et nos plus indéfinissables impressions. Nous ne nous souvenions pas de ne l’avoir pas connu ; il n’y avait pas un premier jour où on nous avait parlé de lui. Nous l’avions toujours vu en tiers entre notre mère et nous. Son nom avait été sur nos lèvres avec le lait maternel, nous