Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/89

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nous commander une dévotion chagrine qui arrache les enfants à leurs jeux ou à leur sommeil pour les forcer à prier Dieu, et souvent à travers leur répugnance et leurs larmes, elle faisait pour nous une fête de l’âme de ces courtes invocations auxquelles elle nous conviait en souriant. Elle ne mêlait pas la prière à nos larmes, mais à tous les petits événements heureux qui nous survenaient pendant la journée. Ainsi, quand nous étions réveillés dans nos petits lits, que le soleil si gai du matin étincelait sur nos fenêtres, que les oiseaux chantaient sur nos rosiers ou dans leurs cages, que les pas des serviteurs résonnaient depuis longtemps dans la maison et que nous l’attendions elle-même impatiemment pour nous lever, elle montait, elle entrait, le visage toujours rayonnant de bonté, de tendresse et de douce joie ; elle nous embrassait dans nos lits ; elle nous aidait à nous habiller ; elle écoutait ce joyeux petit ramage d’enfants dont l’imagination rafraîchie gazouille au réveil, comme un nid d’hirondelles gazouille sur le toit quand la mère approche ; puis elle nous disait : « A qui devons-nous ce bonheur dont nous allons jouir ensemble ? C’est à Dieu, c’est à notre Père céleste. Sans lui, ce beau soleil ne se serait pas levé ; ces arbres auraient perdu leurs feuilles ; les gais oiseaux seraient morts de faim et de froid sur la terre nue, et vous, mes pauvres enfants, vous n’auriez nit lit, ni maison, ni jardin, ni mère pour vous abriter et vous nourrir, vous réjouir toute votre saison ! Il est bien juste de le remercier pour tout ce qu’il nous donne avec ce jour, de le prier de nous donner beaucoup d’autres jours pareils. Alors elle se mettait a genoux devant notre lit, elle joignait nos petites mains, et souvent en les baisant, dans les siennes, elle faisait lentement et à demi-voix la courte prière du