Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
COMMENTAIRE


DE LA ONZIÈME HARMONIE




On connaît le génie poétique et sensible de M. Reboul, poëte et ouvrier, si antique de pensée, si noble de sentiment. Le travail ne déroge pas. On connaît moins sa vie : je l’ignorais moi-même. Un jour, passant à Nîmes, je voulus, avant de visiter les Arènes, visiter ce frère en poésie. Un pauvre homme que je rencontrai dans la rue me conduisit à la porte d’une petite maison noire, sur le seuil de laquelle on respirait cette délicieuse odeur de pain cuit sortant du four. J’entrai : un jeune homme en manches de chemise, les cheveux noirs légèrement cendrés de farine, était au comptoir, vendant du pain à de pauvres femmes. Je me nommai, il ne rougit pas ; il passa sa veste et me conduisit, par un escalier de bois, dans sa chambre de travail, au-dessus de sa boutique. Il y avait le lit de sa femme, une table à écrire, quelques livres, et quelques vers commencés sur des feuilles éparses. Nous causâmes de notre métier commun. Il me lut des vers admirables, et des scènes de tragédie antique qui respirent la mâle sévérité du génie romain. On sentait que cet homme avait fréquenté les souvenirs vivants de Rome, et que son âme était une