Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/168

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Ah ! quand des nuits d’été l’ombre enfin rembrunie
Vient assoupir l’oreille et reposer les yeux,
Lorsque le rossignol enivré d’harmonie
Dort, et rend le silence aux bois mélodieux ;
Quand des astres du ciel, seul et fuyant la foule,
L’astre qui fait rêver se dégage à demi,
Et que l’œil amoureux suit le fleuve qui roule
Un disque renversé dans son flot endormi ;
Viens chanter sous le dôme où le cygne prélude,
Viens chanter aux lueurs des célestes flambeaux,

Viens chanter pour la solitude :

Consacrés à la nuit, tes chants seront plus beaux !
Pour la foule et le jour ta voix est trop sublime ;
Réserve à la douleur tes airs les plus touchants,
N’exhale qu’à ton Dieu le souffle qui t’anime :
La plainte et la prière ont inventé les chants.

À ces sons plus puissants que la froide parole,
Dans l’œil humide encor tu vois les pleurs tarir ;
Le regret s’attendrit, la douleur se console,
L’espérance descend, l’amertume s’envole,
Le cœur longtemps fermé s’ouvre par un soupir ;
L’athée à son insu soulève sa paupière,
La bouche d’où jamais ne jaillit la prière
Murmure un nom divin pour la première fois,
Et des anges des nuits les voix mystérieuses,
Et les brûlants soupirs de ces âmes pieuses
Qu’ici-bas de la vie enchaîne encor le poids,

Sur des ailes mélodieuses

Au ciel qu’ouvrent tes chants montent avec la voix !