Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/249

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Depuis les doux flocons de la brillante écume
Qui nage aux bords dorés de ta coupe qui fume,
Quand l’enfant enivré lui sourit, et croit voir
Une immortalité dans l’aurore et le soir,
Ou qu’en brisant les bords contre sa dent avide,
Le jeune homme d’un trait la savoure et la vide
Jusqu’à la lie épaisse et fade que le temps
Dépose au fond du vase, et mêle aux flots restants ;
Quand de sa main tremblante un vieillard la soulève,
Et par seule habitude en répugnant l’achève.
Tu n’es qu’un faux sentier qui retourne à la mort,
Un fleuve qui se perd au sable dont il sort,
Une dérision d’un être habile à nuire,
Qui s’amuse sans but à créer pour détruire,
Et qui de nous tromper se fait un divin jeu !
Ou plutôt n’es-tu pas une échelle de feu
Dont l’échelon brûlant s’attache au pied qui monte,
Et qu’il faut cependant que tout mortel affronte ?





Que tu sais bien dorer ton magique lointain !
Qu’il est beau l’horizon de ton riant matin,
Quand le premier amour et la fraîche espérance
Nous entr’ouvrent l’espace où notre âme s’élance,
N’emportant avec soi qu’innocence et beauté,
Et que d’un seul objet notre cœur enchanté
Dit comme Roméo : « Non, ce n’est pas l’aurore !
» Aimons toujours : l’oiseau ne chante pas encore ! »
Tout le bonheur de l’homme est dans ce seul instant ;
Le sentier de nos jours n’est vert qu’en le montant.
De ce point de la vie où l’on en sent le terme,
On voit s’évanouir tout ce qu’elle renferme ;