Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le reflet fugitif de quelque astre lointain
Que l’homme croit saisir et qui fond sous sa main,
L’écho vide et moqueur des mille voix de l’homme,
Qui nous répond toujours par le mot qu’on lui nomme !
Ta poursuite insensée est sa dernière erreur :
Mais ce vain désir même a tari dans mon cœur ;
Je ne cherche plus rien à tes clartés funèbres,
Je m’abandonne en paix à ces flots de ténèbres,
Comme le nautonier, quand le pôle est perdu,
Quand sur l’étoile même un voile est étendu,
Laissant flotter la barre au gré des vagues sombres,
Croise les bras et siffle, et se résigne aux ombres,
Sûr de trouver partout la ruine et la mort,
Indifférent au moins par quel vent, sur quel bord.





Ah ! si vous paraissiez sans ombre et sans emblème,
Source de la lumière, et toi lumière même,
Âme de l’Infini, qui resplendit de toi !
Si, frappés seulement d’un rayon de ta foi,
Nous te réfléchissions dans notre intelligence
Comme une mer obscure où nage un disque immense,
Tout s’évanouirait devant ce pur soleil,
Comme l’ombre au matin, comme un songe au réveil ;
Tout s’évaporerait sous le rayon de flamme :
La matière, et l’esprit, et les formes, et l’âme,
Tout serait pour nos yeux, à ta pure clarté,
Ce qu’est la pâle image à la réalité.
La vie, à ton aspect, ne serait plus la vie,
Elle s’élèverait triomphante et ravie ;
Ou, si ta volonté comprimait son transport,
Elle ne serait plus qu’une éternelle mort !