Je ne les attends plus, comme dans mon matin,
Pleins, brillants, et dorés des rayons du lointain,
Mais ternes, mais pâlis, décolorés et vides,
Comme une urne fêlée et dont les flancs arides
Laissent fuir l’eau du ciel que l’homme y cherche en vain,
Passé sans souvenir, présent sans lendemain ;
Et je sais que le jour est semblable à la veille,
Et le matin n’a plus de voix qui me réveille,
Et j’envie au tombeau le long sommeil qui dort,
Et mon âme est déjà triste comme la mort ! »
Triste comme la mort ! Et la mort souffre-t-elle ?
Le néant se plaint-il à la nuit éternelle ?
Ah ! plus triste cent fois que cet heureux néant
Qui n’a point à mourir et ne meurt pas vivant,
Mon âme est une mort qui se sent et se souffre ;
Immortelle agonie, abîme, immense gouffre
Où la pensée, en vain cherchant à s’engloutir,
En se précipitant ne peut s’anéantir ;
Un songe sans réveil, une nuit sans aurore,
Un feu sans aliment qui brûle et se dévore ;
Une cendre brûlante où rien n’est allumé,
Mais où tout ce qu’on jette est soudain consumé ;
Un délire sans terme, une angoisse éternelle !
Mon âme avec effroi regarde derrière elle,
Et voit son peu de jours passés, et déjà froids
Comme la feuille sèche autour du tronc des bois ;
Je regarde en avant, et je ne vois que doute
Et ténèbres, couvrant le terme de la route !
Mon être à chaque souffle exhale un peu de soi :
C’était moi qui souffrais, ce n’est déjà plus moi !