Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/294

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Robes, toges, turbans, tunique, pourpre, bure,
Sceptres, glaives, faisceaux, haches, houlette, armure,
Symboles vermoulus fondent sous votre main,
Tour à tour au plus fort, au plus fourbe, au plus digne,
Et vous vous demandez vainement sous quel signe

Monte ou baisse le genre humain.


Sous le vôtre, ô chrétiens ! L’homme en qui Dieu travaille
Change éternellement de formes et de taille :
Géant de l’avenir à grandir destiné,
Il use en vieillissant ses vieux vêtements, comme
Des membres élargis font éclater sur l’homme

Les langes où l’enfant est né.


L’humanité n’est pas le bœuf à courte haleine
Qui creuse à pas égaux son sillon dans la plaine,
Et revient ruminer sur son sillon pareil :
C’est l’aigle rajeuni qui change son plumage,
Et qui monte affronter, de nuage en nuage,

De plus hauts rayons du soleil.


Enfants de six mille ans qu’un peu de bruit étonne,
Ne vous troublez donc pas d’un mot nouveau qui tonne,
D’un empire éboulé, d’un siècle qui s’en va !
Que vous font les débris qui jonchent la carrière ?
Regardez en avant et non pas en arrière :

Le courant roule à Jéhova !


Que dans vos cœurs étroits vos espérances vagues
Ne croulent pas sans cesse avec toutes les vagues :
Ces flots vous porteront, hommes de peu de foi !
Qu’importent bruit et vent, poussière et décadence,
Pourvu qu’au-dessus d’eux la haute Providence

Déroule l’éternelle loi ?