Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/296

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Et les jours et les flots semblent ainsi renaître,
Trop pareils pour que l’œil puisse les reconnaître,
Et le regard trompé s’use en les regardant ;
Et l’homme, que toujours leur ressemblance abuse,
Les brouille, les confond, les gourmande et t’accuse,

Seigneur !… Ils marchent cependant !


Et quand sur cette mer, las de chercher sa route,
Du firmament splendide il explore la voûte,
Des astres inconnus s’y lèvent à ses yeux ;
Et, moins triste, aux parfums qui soufflent des rivages,
Au jour tiède et doré qui glisse des cordages,

Il sent qu’il a changé de cieux.


Nous donc, si le sol tremble au vieux toit de nos pères,
Ensevelissons-nous sous des cendres si chères,
Tombons enveloppés de ces sacrés linceuls !
Mais ne ressemblons pas à ces rois d’Assyrie
Qui traînaient au tombeau femmes, enfants, patrie,

Et ne savaient pas mourir seuls ;


Qui jetaient au bûcher, avant que d’y descendre,
Famille, amis, coursiers, trésors réduits en cendre,
Espoir ou souvenirs de leurs jours plus heureux,
Et, livrant leur empire et leurs dieux à la flamme,
Auraient voulu qu’aussi l’univers n’eût qu’une âme,

Pour que tout mourût avec eux !