Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/302

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Tu fus fort, quand, pareil à la mer écumante,
Au nuage qui gronde, au volcan qui fermente,
Noyant les gueules du canon,
Tu bouillonnais semblable au plomb dans la fournaise,
Et roulais furieux, sur une plage anglaise,
Trois couronnes dans ton limon !

» Tu fus beau, tu fus magnanime,
Le jour où, recevant les balles sur ton sein,
Tu marchais d’un pas unanime,
Sans autre chef que ton tocsin ;
Où, n’ayant que ton cœur et tes mains pour combattre,
Relevant le vaincu que tu venais d’abattre,
En l’emportant tu lui disais :
« Avant d’être ennemis, le pays nous fit frères ;
» Livrons au même lit les blessés des deux guerres :
» La France couvre le Français ! »

» Quand dans ta chétive demeure,
Le soir, noirci du feu, tu rentrais triomphant
Près de l’épouse qui te pleure,
Du berceau nu de ton enfant,
Tu ne leur présentais pour unique dépouille
Que la goutte de sang, la poudre qui te souille,
Un tronçon d’arme dans ta main.
En vain l’or des palais dans la boue étincelle ;
Fils de la liberté, tu ne rapportais qu’elle :
Seule elle assaisonnait ton pain !

» Un cri de stupeur et de gloire,
Sorti de tous les cœurs, monta sous chaque ciel,