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SAÜL

Et vous, drapeaux sacrés ! et vous, armes royales
Que Saül confiait à ces mains filiales !
Après un si long temps d’exil et de malheurs,
Je vous vois, je vous touche, et vous baigne de pleurs !…

(Il embrasse les étendards et les trophées.)

Invoquant de la nuit les ombres tutélaires,
Je rentre en fugitif au milieu de mes frères ;
Je rentre, et nul guerrier ne reconnaît en moi
Ce David, le soutien, le gendre de son roi !
Ô Saül, ô mon maître ! Et toi, Dieu redoutable
Dont la main m’éleva, dont la rigueur m’accable,
Que ne me laissais-tu dans mon obscurité ?
Que mon bonheur fut court et fut trop acheté !
Élevé par mon prince au sein de sa famille,
Il m’approche du trône, il me donne sa fille ;
Il me la donne ! ô ciel ! et par un prompt retour
M’arrache cet objet d’un immortel amour.
Jaloux de ces lauriers cueillis pour sa défense,
En contemplant ma gloire, il craint pour sa puissance,
Et je me vois trois ans proscrit de ces États
Honorés par mon nom et sauvés par mon bras…
C’en est trop, mes malheurs ont passé mon courage !
C’est languir trop longtemps dans ce honteux veuvage !
Quel qu’en soit le succès, par un dernier effort,
Je viens redemander ou Michol ou la mort.