Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/72

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Oui, dût un froid mépris répondre à notre lyre,
Dût notre vérité se nommer un délire,
Dût notre âge, enivré des seuls soins d’ici-bas,
Sourire en nous disant : « Je ne vous connais pas ! »
Semblables devant l’homme à ces hardis prophètes
Que la dérision conviait à ses fêtes,
Et qui, sur leurs tyrans lançant l’esprit divin,
Gravaient trois mots obscurs sur les murs du festin,
Répétons-lui toujours que l’univers est vide,
Que la vie est un flot que chasse un vent rapide,
Et qui doit nous porter à l’immortalité,
Ou se fondre en écume, en bruit, en vanité ;
Que tout but ici-bas est trompeur ou fragile,
Tout espoir abusé, tout mouvement stérile ;
Que les rêves de l’homme et ses ambitions,
La sagesse, les arts, le bras des nations,
Les efforts réunis des siècles et du monde,
Ne peuvent retarder la mort d’une seconde,
Faire avancer le jour d’une heure dans les airs,
Ou rebrousser le vent et l’écume des mers ;
Que l’homme n’a reçu du seul Maître suprême
De puissance et d’empire ici que sur lui-même,
Et qu’en dépit du siècle il n’a dans ce bas lieu
Qu’une œuvre : la vertu ; qu’une espérance : Dieu !
Ce sort est assez beau pour un peu de poussière ;
II devrait consoler même un fils de lumière
De ne pouvoir changer les sentiers radieux
De ces astres lointains, poussière aussi des cieux.

Et puisse alors Celui que notre langue adore,
Comme un souffle vivant anime un bois sonore,
Prêtant l’âme et la vie à nos pieux concerts,
De son souffle incréé diviniser nos vers,