Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/139

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Approche, que ma main à la tienne s’unisse,
Et que Dieu qui m’entend nous juge et nous bénisse !
Et toi, jure qu’au mien, jusqu’au jour de la mort,
Ce nœud mystérieux enchaînera ton sort !
— Je jure, dit Tristan, d’obéir à mon maître,
De respecter le rang où le ciel vous fit naître,
De refuser toujours le nom de votre époux,
Pour vivre et pour mourir moins indigne de vous ! »
Hermine, et cet arrêt d’une perte éternelle,
Sent défaillir son cœur ; elle pâlit, chancelle,
Murmure un cri confus qu’elle n’achève pas,
Et Tristan, à genoux, la soutient dans ses bras.
Mais, du haut des créneaux d’où son regard domine,
Le vieillard les découvre ; il voit, il voit Hermine
Au moment où, tombant sous l’excès du malheur,
Le page, avec respect, la reçoit sur son cœur.
Tristan ! sa fille ! ensemble ! en ces lieux ! à cette heure !…
« J’en ai trop vu, dit-il ; ah ! que le traître meure !
Dût se mêler au sien mon sang déshonoré ! »
Il s’écrie, et, d’un bras de fureur égaré,
Arrachant l’arbalète aux mains de l’homme d’armes,
Sur le bord du rempart, il la supporte, il l’arme,
Et, trop lent à son gré, mais plus prompt que l’éclair,
Le trait qu’il a lancé siffle, vole et fend l’air.
Mais, ô fureur aveugle ! ô trop malheureux père !
Le trait mal assuré qu’a lancé la colère
Le venge et le punit dans le même moment ;
Il frappe d’un seul coup et l’amante et l’amant,
Et, traversant l’épaule où s’appuyait Hermine
Sur le corps de Tristan lui perce la poitrine,
Réunissant ainsi dans les nœuds de la mort
Ces deux enfants en vain séparés par le sort !
Percé du même dard dont le fer les rassemble,
Le couple infortuné chancelle et roule ensemble,