elle eût cherché un oiseau dans les branches. Ah ! non, jamais je n’oserai ! Mais tenez, Monsieur, j’en ai là quelques-uns que j’ai écrits dans différents temps à mon loisir pour les montrer à M. Autran, s’il m’en demande. J’aime mieux que vous les lisiez vous-même que si je les lisais de vive voix ; cela me fera moins honte. »
Et elle tira de sa poche trois ou quatre petites pièces de vers alignés sur du gros papier et froissés par son étui, son dé et ses ciseaux dans le voyage. Pendant que je les lisais tout bas, elle s’essuyait le front avec son tablier et détournait la tête en regardant le fond de l’orangerie, de crainte de lire quelque impression défavorable sur ma figure.
J’étais étonné et touché de ce que je lisais. C’était naïf, c’était gracieux, c’était senti, c’était la palpitation tranquille du cœur devenue harmonie dans l’oreille ; cela ressemblait à son visage modeste, pieux, tendre et doux ; vraie poésie de femme, dont l’âme cherche à tâtons, sur les cordes les plus suaves d’un instrument qu’elle ignore, l’expression de ses sentiments. Cela n’était ni déchirant, ni métallique, comme les vers de Reboul ; ni épique et étincelant tour à tour de paillettes et de larmes comme Jasmin ; ni mignardé comme les strophes de quelques jeunes filles, prodiges gâtés en germe par l’imitation. C’était elle, c’était l’air monotone et plaintif qu’une pauvre ouvrière se chante à demi-voix à elle-même, en travaillant des doigts auprès de sa fenêtre, pour s’encourager à l’aiguille et au fil. Il y avait des notes qui pinçaient le cœur