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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/178

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grands parmi ceux qui savent, qui pensent, qui chantent, qui écrivent. De même que c’était un honneur, il y a quelques siècles, d’instruire les cours, de parler aux rois, de plaire aux sommités seules alors éclairées du monde, de même ce sera un honneur, et une vertu bientôt, d’instruire les petits, de parler aux masses, de plaire au peuple honnête, où le goût du bon et du beau se propagera avec l’instruction et par la lecture. La gloire se retournera avec l’auditoire, voilà tout. Elle était en haut, elle sera en bas. Le génie se tourne aussi toujours par sa nature du côté où est la gloire. La gloire, ce sera alors le nom d’un écrivain sur les lèvres de vos femmes, de vos enfants, de vos vieillards, dans vos chaumières, dans vos mansardes, dans vos métiers ! Pourquoi veut-on être lu ? C’est pour être admiré quelquefois ; mais plus souvent c’est pour être compris, senti et aimé de ceux qui nous lisent. Eh bien, ne sera-t-il pas plus doux pour un poëte d’avoir ses vers dans la mémoire de trente à quarante millions d’hommes que dans les rayons de luxe de cinq ou six mille bibliothèques ? Ne sera-t-il pas plus doux pour un écrivain d’être de la famille de ces quarante millions d’hommes, sur leur table, sur leur métier, sur leur charrue, à leur foyer, que d’avoir un siége dans une Académie de quarante écrivains comme lui, et une pension d’une cour, ou sur le budget d’un ministre ? Qu’en pensez-vous pour vous-même ? Voyons, interrogez-vous ! Qu’aimeriez-vous mieux, de savoir vos vers dans la bouche d’un million de petits enfants récitant vos strophes à la fin de leurs prières ou devant les genoux de leurs mères, ou de les savoir imprimés sur beau papier et reliés de beau maroquin sur les rayons de quelques amateurs de poésie ?

« — Oh ! j’aime mieux la mémoire des enfants et des pauvres gens ! s’écria-t-elle ; c’est une édition vivante !