Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/269

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elle vit que je pleurais bien et que j’étais ébranlée, alors, monsieur, elle s’entortilla autour de moi comme un serpent, les bras à mon cou, la bouche sur ma poitrine, en m’embrassant avec fureur, en se collant à moi comme ma peau et en criant tout bas : « Non ! non ! non ! tu n’auras pas le cœur de m’abandonner et de me jeter là comme une guenille, pour qu’on marche dessus ! Non, Geneviève, ma sœur, ma nourrice ! mon autre mère ! Non ! Je serai si sage, si bonne, si obéissante ! Je t’aimerai tant, je t’embrasserai tant, le jour et la nuit ! Oh ! dis-moi, dis-moi que tu ne me quitteras pas ! »

« J’allais le dire, monsieur, tant cette enfant me remuait jusqu’au fond du cœur en m’étouffant dans ses petits bras, quand je vins à penser à Cyprien, qui venait de me quitter si joyeux et qui n’était pas encore peut-être au pied des montagnes. « Oh ! Dieu ! me disais-je, il m’a été fiancé ce matin, il m’a embrassée il n’y a pas une heure, il a encore l’odeur de la rose de mon front sur les lèvres, et déjà sa maîtresse est traîtresse ! Non, non, Josette, que je lui dis en lui dépliant les bras de mon cou et en me dégageant pour me retourner de l’autre côté du lit et pour réfléchir ; non, une honnête fille doit tenir sa parole, et j’ai fait serment à Cyprien. Laisse-moi !

« — Un serment ! qu’elle me dit en se levant toute droite sur le lit ; tu n’en as donc point fait à ma mère ! Eh bien, oui, laisse-moi tout de suite ; je ne veux plus coucher avec toi : je veux aller coucher sur sa pierre et lui demander si c’est Cyprien ou moi qu’elle t’a mis dans les bras en mourant ! Nous verrons ce qu’elle répondra !… »

« En disant ces mots, monsieur, cette petite fille, folle de tendresse et de colère, fit un pas pour me passer par-dessus le corps à travers le lit et pour sauter sur le plancher ;