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autre, et à la faire aussi belle que je pouvais pour Cyprien. « Tu souffres, que je pensais tout bas en moi-même ; eh bien, tant mieux. Pourquoi l’as-tu trompé ? Il est juste qu’il en aime à présent une plus belle que toi, et que tu contribues de tes propres mains à le venger de toi ! »

« Quand tout fut fini, elle partit en disant à son frère de revenir chercher les robes et les tabliers le samedi suivant, et je me mis à travailler nuit et jour, en pensant, à chaque point de fil, que c’était pour Cyprien.

« Pour le moment, monsieur, je n’en sus pas davantage de lui ; mais c’était bien dur. Qu’en pensez-vous, n’est-ce pas, monsieur ?


XLVIII


« Cependant, il faut être juste : la petite, qui voyait bien mon chagrin sans que je lui dise jamais un mot plus haut que l’autre sur Cyprien, me reconsolait tous les jours davantage par sa gentillesse, par sa tendresse pour moi et par sa beauté. J’étais comme sa mère ; elle était comme ma fille, si ce n’est qu’elle n’avait pas vis-à-vis de moi ce respect pour l’autorité d’une mère qui impose toujours à l’amitié. J’étais pour Josette comme une mère qu’elle aurait choisie volontairement, et vis-a-vis de laquelle elle n’aurait eu aucune réserve, aucune froideur de respect : sa mère, sa sœur et son amie tout à la fois, voilà. Vous jugez si c’était doux pour moi, monsieur, qui avais élevé cette enfant depuis le maillot ; c’était mon nourrisson, c’était mon caprice, c’était ma vanité, c’était ma poupée, c’était mon idole, quoi ! Et puis, si vous saviez, monsieur, combien on s’attache par les sacrifices que l’on a faits à