Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/285

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plante qui n’a jamais souffert et qu’on a toujours tenue au chaud sur une cheminée, avec de la mousse sur le pot de fleurs. Vous ne lui auriez donné guère moins de dix-huit ans. Son âme s’était développée comme son visage ; elle savait lire, écrire, calculer, chanter, danser, coudre, broder, faire des dentelles, comme la première demoiselle du pays ; elle se mettait comme une petite reine. Les bourgeoises en étaient jalouses ; elles disaient : « Voyez donc cette petite Josette ! ça est pimpant parce que ça se sait jolie ; ça a l’insolence de se coiffer en cheveux, d’avoir un peigne d’écaille, des boucles d’oreilles en perles fausses, un collier de corail et des gants longs sur les bras ! Ne diriez-vous pas que c’est la fille d’un confiseur ou d’un drapier pour le moins ? Vous savez ce que c’est, ce sont les filles d’une vitrière ; ça n’a pas de pain tout son soûl à la maison, et ça fait des insolences au soleil en s’habillant de jaune et de vert, et en portant la tête droite comme un tournesol ! Qu’est-ce donc que nous mettrons à nos filles, si les mercières portent leurs propres boutiques sur leurs épaules ? »

« J’entendais redire tout cela, monsieur, par les voisines qui me le rapportaient ; et pourtant cela n’était pas juste, car ce n’étaient pas ses robes ni ses fichus qui la faisaient regarder, c’étaient ses agréments. Elle était bien habillée, mais sans luxe et sans effronterie. Mais elle avait tant d’éclat qu’elle éclairait vraiment toutes ses robes ; vous l’auriez mise en noir que vous n’auriez pas pu éteindre la lumière qui sortait d’elle. C’était dans ses yeux, c’était sur sa bouche, c’était dans sa peau, c’était dans sa taille, dans sa démarche, dans sa pose, dans tout ! C’était comme le ver luisant, tant plus vous mettiez ça à l’ombre, tant plus ça brillait. Que voulez-vous ? elle n’y pouvait rien, la pauvre enfant, ni moi non plus. Quelquefois elle rentrait