Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/298

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tromper ainsi !… elle a pu me cacher tout : l’amour, le prêtre appelé de Savoie, la nuit, le mariage secret, les angoisses, les terreurs, les suites terribles de cette union mystérieuse… Ah ! est-ce traître !… est-ce caché ! est-ce défiant de sa sœur !… Je ne veux plus lui parler, je ne veux plus la revoir, je veux me sauver !…

« Mais si je ne lui parle pas, si je ne la revois pas, si je me sauve, que va-t-elle devenir ? Non, il faut rester ; et si je lui montre un mauvais visage au moment où il faut lui dire la mort de son amant et où elle a besoin de se jeter dans les seuls bras qui lui soient ouverts sur la terre pour cacher son désespoir et sa honte, son enfant mourra de ses angoisses et de ses convulsions dans son sein !… Et puis, enfin, n’est-ce pas ma sœur, ma petite, ma Josette toujours, mon enfant que j’ai élevée et qui n’a de mère que moi, comme je n’ai de fille qu’elle ici-bas ! »

« Et je me mis à pleurer, à sangloter, à fondre en eau, si fort, monsieur, que ma tête se troubla, que mes sens s’égarèrent, et que je glissai de ma chaise, sans connaissance, sur le plancher !


LXIII


« Je restai ainsi pendant je ne sais pas combien de temps, monsieur, bien longtemps, sans doute, car c’était nuit quand je me reconnus. Je fus réveillée par un cri terrible qui semblait sortir d’un cœur qu’on aurait percé, un cri de mort ! un cri qui retentira éternellement dans mon oreille. Dieu ! quel cri ! J’ouvris les yeux ; je vis Josette qui tenait de la main gauche la boucle de cheveux et la lettre, et qui, de l’autre main, s’arrachait les cheveux et les jetait à