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fut brune, et j’allai, sans savoir si j’oserais bien entrer, jusqu’à la porte de la vieille maison isolée où demeurait la sage-femme.

Voilà qu’au moment où je tourne la rue pour prendre la ruelle qui menait chez elle, j’entends un murmure de gens autour de sa porte, et je vois deux gendarmes qui conduisaient la pauvre femme, comme une voleuse, entre eux deux !


LXIX


« Qu’est-ce que je devins à cette vue, monsieur ? Je n’en sais rien ; il me semblait qu’on m’arrachait la peau du visage et qu’on m’exposait toute nue aux rayons d’un soleil brûlant. C’était la honte intérieure, voyez-vous, qui me montait au front et qui me disait : « Ça te regarde peut-être ; tu vas être découverte et ta pauvre sœur déshonorée ! » Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! le pressentiment n’était que trop juste. C’était le dernier coup !

« L’un disait à l’autre, dans la foule qui suivait la sage femme en prison : « Qu’est-ce donc qu’elle a fait, la brave mère Bélan ! — On dit qu’elle a tué un enfant. — Oh ! la monstre ! que disaient des vieilles femmes. — Non, que disaient les autres, elle les a seulement vendus à des bohémiens, et trois francs la pièce. — Bah ! que disait un troisième, vous ne savez pas ce que vous dites ; elle n’est pas capable de cela, la sainte bonne mère de femme. On la mène en prison parce qu’elle a été surprise par un espion du commissaire, pendant qu’elle venait de porter au tour, qui est surveillé en attendant qu’on le ferme, un enfant, un nourrisson ; qu’elle a reçu, dit-on, de l’argent