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pouviez lever le front devant les hommes, devant les femmes, et même devant les anges.

« — C’est vrai, monsieur ; mais j’avais tellement pris le malheur et la honte pour moi, qu’il me semblait véritablement que j’étais coupable de tout ce que les autres avaient le droit de penser de moi.

« — Et le jour d’après, que fîtes-vous ? voyons.


LXXIX


« — Le jour d’après, monsieur, je nosai jamais ouvrir les volets de la boutique, de peur que les voisins et les passants ne vinssent me regarder aux vitres. Je restai tout le jour dans l’obscurité à prier Dieu et à penser à Josette. Quand la nuit fut venue, j’ouvris la porte avec tremblement, je sortis pour acheter ma nourriture.

« — Ah ! vous voilà donc sortie de prison ! que me dit la marchande.

« — Oui, » que je lui répondis.

« Je vis que tout le monde savait d’où je venais et croyait à ma faute. On me regardait avec répugnance, mais sans offense pourtant ; on me plaignait des yeux. J’allai, en mangeant mon pain, au cimetière ; je m’assis sur la tombe de ma sœur, auprès de la croix tout ornée de fleurs renouvelées du dimanche d’avant ; j’y fis ma prière, et j’y mangeai mon pain dans les larmes.