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ne tardèrent pas à m’essuyer de l’humidité de la tempête. Mon corps se réchauffa près de la génisse comme auprès d’un bon poële qu’on entend respirer son souffle de feu. Je me sentis comme dans une crèche que le bon Dieu m’aurait bâtie sur les cimes des montagnes, comme celle où la sainte Vierge s’était réfugiée dans son temps en allant à Bethléem. Cette mémoire, qui me revint à l’esprit dans ce moment, m’enleva toute l’humiliation de mendier la moitié de sa place à une bête. Je me dis : « Tiens ! puisque la servante de Dieu n’a pas eu honte d’une étable, de quoi aurais-tu donc honte, toi ? » Et je finis par m’endormir tranquillement aux derniers coups du vent qui faisait battre les volets de l’écurie et du grésil qui tintait contre les vitres.


CIV


« Quand je m’éveillai, il me sembla que j’avais dormi ma pleine nuitée, tant je me sentais fraîche, souple et reposée de tous mes membres. Cependant un faible petit filet de lumière du matin commençait à peine à entrer dans l’écurie, à travers les trous des volets et par les fentes entre le seuil et la porte ; j’entrevoyais une belle étable dont les murailles étaient blanches comme l’eau de chaux et dont le plancher était formé de grands troncs de sapins non écorcés, entre lesquels l’herbe et la paille du grenier à foin, bien chargé, passaient et pendaient comme des lustres. On voyait sur des planches de hêtre bien luisantes, contre la muraille, des seaux de sapin aussi jaunes que de l’or, des puits, des beurrières du même bois pour battre le beurre, et des rangées de vases en terre cuite vernissée,