l’enfant, qu’elle examinait ainsi et qu’elle comparait dans sa pensée avec des traits qu’elle avait dans la mémoire, étaient bien ceux de sa pauvre sœur. Elle ne jetait çà et là que des exclamations rapides et entrecoupées qu’elle s’adressait à elle-même : « Est-ce bien son front un peu bombé ainsi et séparé au milieu par ce petit pli que ma mère appelait le nid de mes lèvres ? — Oui ! » Et elle embrassait le front lisse et blanc de l’enfant à la même place où elle avait embrassé tant de fois celui de Josette. « Est-ce bien son nez un peu relevé par le bout, avec deux belles petites narines fines à travers lesquelles on voyait transpercer le soir la clarté rose de notre lampe ? — Oh ! oui, c’est bien cette forme et cette transparence. » Et elle collait le visage du petit contre son sein. « Est-ce bien cette bouche dont les deux coins, noyés dans ses joues, se relevaient quand elle était gaie, et fléchissaient comme cela quand elle avait envie de pleurer ? — Oh ! oui ! oui ! Tenez, il me semble qu’elle va me parler et me dire mon nom. » Et elle joignait ses mains devant les lèvres tremblantes et prêtes à pleurer de l’enfant ! Sont-ce bien ses yeux du même bleu que le ciel d’hiver ? Est-ce bien son menton creusé de cette même fossette ? ce cou rond, blanc, un peu incliné, où le poil follet des cheveux descendait en serpentant jusque entre les épaules ? — Oh ! oui ! oui ! » Et en disant cela elle ôtait délicatement la cravate de l’enfant, examinait attentivement le cou du petit, devant, derrière, des deux côtés, et l’embrassait à toutes les places ! Puis tout à coup, jetant un cri plus fort et se tournant vers moi en me montrant du doigt quelque chose : « Oh ! assez ! assez ! voyez donc, monsieur, tout ! tout ! jusqu’au signe que nous appelons le grain de beauté que Josette avait juste à l’endroit où son cou s’emmanchait avec sa poitrine, comme si les anges lui avaient attaché en venant au monde une belle épingle de jais à la
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