Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/426

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lourde éclaboussant l’eau ; les feuilles m’empêchent de voir lequel. Est-ce le mien ? est-ce l’autre ? est-ce le faux ? Je m’évanouis dans ce doute affreux, je roule au fond, le froid de l’eau me réveille dans le lit creux du ruisseau, à côté de mon pauvre petit ! du mien, entendez-vous ! il ne respirait plus ! il avait été noyé en une minute…

« Et l’autre ! l’autre que voilà, celui de la mère Maraude, il était devant moi qui me tendait les bras, qui regardait et qui riait, sans jugement, le pauvre innocent, accroché par les jambes à un fil de lierre, comme un oiseau pris à un regepiace par la patte.

« Ah ! tenez, mam’selle Geneviève, dit Luce en cet endroit de son récit, en relevant son tablier de ses deux mains et en s’enveloppant le visage, dispensez-moi de vous en dire davantage là-dessus ! Mes cris, mes pleurs auraient fendu le rocher pendant tout ce jour-là, si les pierres avaient un cœur. Qu’il vous suffise de savoir que l’enfant de Jean et de moi était mort, et que l’enfant étranger était vivant. Pauvre petit Moïse, retenu par les joncs, comme celui de la Bible de Jean !

« — Il fallait bien le nourrir, puisqu’il vivait et qu’il criait, et qu’il me demandait sa mamelle ! Je la lui donnai. Et je l’aimai encore, malgré le malheur dont il avait été cause ; mais était-ce sa faute ou la mienne, aussi ?

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CLXIII


« Je fis emporter mon pauvre enfant noyé, par deux enfants des voisins, à la paroisse ; personne que moi n’a