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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/52

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moi, sous les traits et sous le nom de son cher Saluce !… Est-ce vrai ? Me trompait-elle en me le promettant ? Serez-vous un ami comme elle était pour moi ?

« — Oh ! c’est maintenant moi qui crois au miracle, Régina ! m’écriai-je. Un ami, un frère, un… !

« — Taisez-vous ! me dit-elle en mettant un doigt sur ses lèvres et en couvrant sa physionomie rayonnante d’un voile qui sembla tout éteindre sur ses traits. Je suis mariée ! Je suis princesse ***. Ils le disent du moins dans Rome, mais mon cœur ne me le dit pas. Depuis Clotilde, je ne l’ai donné à personne ; je l’ai gardé à moi toute seule, voyez-vous, pour le rendre à celui seul pour qui elle le voulait ! C’est elle qui vous a dit de venir, enfin, n’est-ce pas ? »

« Enfin, mille choses vives, naïves, enfantines, étourdies, soudaines, inattendues, enivrantes, qu’une jeune fille de ton côté des Alpes ne dirait pas en dix mois, quand même elle les penserait ! C’est moi qui étais interdit ! C’est elle qui me rassurait, qui me suppliait, qui me familiarisait à elle, comme si j’avais été simplement une sœur retrouvée, une sœur plus âgée qu’elle, et devant laquelle elle aurait eu à la fois les élans de la tendresse et les puérilités de l’enfance !

« Et tout cela sortait d’un regard où le ciel étincelait sur une rosée de larmes de joie ; d’un cœur que je voyais battre sous sa légère robe de soie, et dont les battements m’auraient compté, sans que je les sentisse, les heures de l’éternité !

« Oh ! je m’arrête ! Je ne puis plus écrire ; je ne puis qu’ouvrir ma fenêtre, lever les yeux vers ces étoiles d’où ma sœur m’a envoyé ce divin rayon sur ma vie, et regarder couler le Tibre, qui n’a jamais emporté un pareil éblouissement des yeux d’un mortel dans le scin-