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ACTE I, SCÈNE I

Quand mon cœur inquiet m’entraîne sur tes pas,
Je te trouve toujours où la foule n’est pas ;
Ta langueur cependant n’a point encor de causes,
Tes yeux n’ont vu fleurir que treize fois les roses ;
D’Haïti délivré le héros triomphant
T’élève et te chérit comme un troisième enfant ;
Depuis qu’envers la France un devoir politique
L’a forcé de remettre à cette république
Ses deux fils, emmenés dans un brillant exil,
Si tu n’es pas sa joie, où la trouvera-t-il ?

ADRIENNE, distraite.

Vois-tu comme au delà du cap sonore et sombre,
La mer immense et creuse étincelle dans l’ombre ?
Comme de son sommet chaque flot écumant
Sur lui-même à son tour croule éternellement ?
Le soleil sur les flots, lumineuse avenue,
Appelle mes pensers vers la terre inconnue
Où de nos premiers ans la précoce amitié
Semble avoir de mon cœur jeté l’autre moitié !

NINA, les interrompant et s’adressant à ses compagnes.

Quand le sommeil rebelle à la blanche maîtresse
S’écartait de ce lit où veillait sa négresse,
Et qu’un moustique à l’œil échappant par hasard,
Dans sa peau délicate avait plongé son dard,
Des verges ! criait-elle, à l’esclave endormie
Qui me laisse piquer par la mouche ennemie.
Vengez-moi ! Frappez-la jusqu'à ce que ses pleurs
De l’aiguillon cuisant apaisent les douleurs ! »

CHŒURS DE NÉGRESSES.

Bah ! bah ! bah ! maintenant avec vos pleurs, madame,
Apaisez la piqûre où le dard est resté !
Les bras de nos guerriers ont affranchi notre âme.
Gloire à Toussaint ! Vive la liberté !

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