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LE TAILLEUR DE PIERRE

et lui, ils semblaient s’entendre, vivre et s’aimer dans une mystérieuse et pieuse intelligence aux pieds de leur Dieu.


CHAPITRE V


Je redescendis dans un recueillement intérieur pareil à celui que j’emportais dans mon enfance en sortant des entretiens de ma mère, le soir, dans le jardin où elle faisait ses méditations pieuses sur Dieu, tout haut, avec ses petits enfants. J’entendais dans mon âme les paroles simples, quoique si pleines de sens divin, de ce pauvre disciple de la solitude. Le timbre même de sa voix résonnait dans mon oreille comme le timbre de ces cloches des villages élevés des Alpes, qui résonnent au-dessus des brouillards de la vallée, et dont l’unique fonction est de relever dans les âmes la pensée de Dieu, le sursum corda des bûcherons, des faucheurs et des pasteurs des montagnes. Je me sentais meilleur, plus chaud de cœur et plus incliné vers le bien, rien que pour avoir approché quelques instants de ce foyer de berger caché derrière ces buissons et ces roches. Chaque homme à une atmosphère qui l’environne et qui répand autour de lui de bonnes ou de mauvaises influences, de la chaleur ou de la glace, selon que son âme est plus ou moins tournée en haut et reflète plus ou moins de divinité en lui. La répulsion et l’attrait ne sont que le sentiment de cette atmosphère des hommes sur nous. Les uns nous attirent comme l’aimant, les autres nous repoussent comme le serpent, sans que nous sachions pourquoi. Mais la nature le sait, elle ; peut-être faut-il écouter ces répulsions ou ces attraits comme des sensations et des avertissements du sens de l’âme. Souvent l’attrait révèle une vertu cachée ; la répulsion, un vice enfoui dans les êtres qui nous l’inspirent. Les âmes aussi ont leurs physionomies : on ne les analyse