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DE SAINT-POINT.

bout de son tablier dans la main, comme une vraie mère fait à ses petits enfants avant qu’ils marchent seuls. Quand on travaillait la terre avant les semailles, elle lui donnait une pioche et le plaçait au bas du champ, à côté d’elle pour qu’il crût faire aussi son petit ouvrage avec les autres. Et quand il allait trop à droite ou à gauche dans son ornière, elle le prenait doucement par le coude et le remettait en ligne avec nous. Et, si cette partie du champ était mal retournée, s’il y laissait involontairement des mottes d’herbe ou des pierres, elle ne lui en disait rien, pour ne pas l’affliger, et le lendemain elle repassait elle-même l’ouvrage de mon frère. Au contraire même de lui dire que son travail ne servait à rien, elle l’encourageait comme si c’eût été un bon ouvrier ; elle lui disait : « Entre ton ouvrage et le mien, il n’y a pas de différence, Gratien. » Et elle ne mentait pas, monsieur, car c’était bien elle qui faisait pour les deux.

» Elle avait toujours soin, soit aux champs, soit à la maison, de se tenir à portée de lui pour l’aider en toute chose, lui couper son pain, lui tendre sa tasse, lui remplir son verre, lui faire sa place sur le banc. Quand elle était seule avec lui, on aurait dit, monsieur, qu’elle pensait tout haut pour le mettre de moitié dans sa vie. Il n’y avait pas un lézard dans son trou, une hirondelle sur son nid, une feuille de la treille sur le mur, une mouche sur la vitre, un insecte sur la feuille, une étincelle dans le foyer, qu’elle ne le lui dît, afin que le temps ne lui durât pas, au pauvre affligé, et qu’il crût voir véritablement par ses propres yeux en dedans tout ce qu’elle lui faisait voir ainsi en dehors par sa voix. Aussi il ne s’apercevait véritablement plus du tout qu’il était aveugle quand elle était là, et elle y était tout le jour ; seulement, monsieur, sa vue n’était pas perdue, elle était transposée de lui en elle. Elle était ses yeux, elle était son sens voyant et vivant dans un autre être que lui, et aussi cher, plus cher peut-être que s’il eût