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ACTE II, SCÈNE II

dessalines, avec indignation.

Pour souiller Haïti ?

toussaint.

Pour souiller Haïti ?Pour y laisser leur cendre !…

À part.

Toussaint ! les vents, la nuit, ont décidé pour toi !…

Haut.

Généraux, officiers, soldats, écoutez-moi :
Tout ce qui vous surprend s’accomplit par mon ordre :
Pour y laisser les dents, à la proie il faut mordre.
Les Français aujourd’hui repoussés de nos bords
Y seraient revenus plus nombreux et plus forts.
De leurs mille vaisseaux leur flotte composée
Eût été les chercher à la rive opposée.
Haïti, jusque-là de son sort incertain,
Eût tourné vers les mers ses yeux chaque matin,
Tremblant à chaque fois de voir, avant l’aurore,
Rougir à l’horizon le drapeau tricolore !
Esclave dans le sang, quoique affranchi de nom,
Nul n’aurait jamais su s’il était libre ou non !
Nos femmes auraient craint que du pur sang des braves
Leur ventre inféodé n’enfantât des esclaves !
On jouit mal d’un bien qu’on peut nous disputer,
Et voir toujours le joug, c’est presque le porter ;
Il fallait que l’oracle enfin se fît comprendre.

Avec énergie.

L’oracle est dans vos cœurs ! c’est a vous de le rendre,
Peuple ! si vous suivez mon inspiration,

Hourra du peuple.

Vous étiez un troupeau, je vous fais nation !

Applaudissements du peuple.

Fussent-ils plus nombreux que ces milliers d’étoiles,
Pas un des débarqués ne reverra ses voiles !