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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/335

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CÉSAR.

ville de la côte, en attendant ses principales forces, qu’Antoine devait lui amener d’Italie. Il interrogeait sans cesse des yeux l’horizon de l’Adriatique pour y apercevoir les voiles de la flotte de son lieutenant. Mais Bibulus, amiral de Pompée, avec ses cinq cents galères, interceptait complètement l’Adriatique.

Le temps se consumait ; Pompée se fortifiait ; la disette menaçait Apollonie ; César accusait de timidité la prudence et la lenteur d’Antoine. Il résolut d’aller lui-même, au risque de sa vie, presser le rassemblement et l’embarquement de son armée d’Italie. Il s’embarqua seul, à l’insu de ses soldats, déguisé en esclave, sur une barque de douze rames, dont le pilote ne le connaissait pas, espérant échapper, à la faveur des vents, des ténèbres et de la petitesse de sa barque, aux croisières de Bibulus.

« Dès que la-nuit fut venue, il prit un habit d’esclave, monta dans la barque, se jeta la comme un homme de néant auquel personne ne prend garde, et se tint en repos sans dire une seule parole. La barque était portée à la mer par le fleuve de l’Anius, dont l’embouchure était ordinairement fort aisée et fort tranquille, parce qu’il se levait tous les matins un petit vent de terre qui repoussait les vagues de lamer et en facilitait l’entrée au fleuve. Mais malheureusement cette nuit-là il se leva un vent marin si violent qu’il amortit le vent de terre. Le fleuve, irrité par le flux et par la résistance des vagues qui combattaient contre son courant, devint dangereux et terrible ; ses eaux étant forcées de remonter vers leur source avec des tournoiements affreux et avec un mugissement horrible, il était impossible au pilote de surmonter cette violence et de gouverner. C’est pourquoi il commanda aux rameurs de ramer vers la pohupe pour remonter le fleuve.

» Ce que César ayant entendu, il se lève tout à coup, se montre, et, prenant la main du pilote surpris et étonné