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GUTENBERG.

le titre modeste d’Essai sur la typographie, l’histoire la plus érudite et la plus complète de l’art dont il est à la fois le maître et l’historien.

L’instruction élémentaire des masses donne des consommateurs sans bornes à la parole imprimée, les chemins de fer lui ouvrent des routes, la vapeur lui prête des ailes, le télégraphe visuel lui donne des signes ; enfin, l’invention récente du télégraphe électrique lui communique l’instantanéité de la foudre. Plus réellement que dans le vers célèbre sur Franklin : « Eripuit cœlo fulmen ! » dans quelques années, un mot prononcé et reproduit sur un point quelconque du globe pourra illuminer ou foudroyer l’univers. La parole, par le procédé perfectionné de Gutenberg, sera redevenue, par la matière, aussi immatérielle que quand elle était seulement pensée ; mais cette pensée sera devenue universelle en jaillissant d’une intelligence ou d’une volonté d’homme ! L’esprit se trouble d’admiration devant les conséquences futures de ces inventions et devant ce règne prochain de l’idée par la parole Gutenberg à spiritualisé le monde.

Longtemps son nom a été méconnu ; longtemps on lui a disputé sa gloire ; mais il faut se souvenir que la gloire humaine n’était pas son but. Il l’avait placé plus haut : qu’il en jouisse ! C’est le sort des inventeurs en esprit comme en matière : le nom se perd ; mais le bienfait se retrouve dans ses conséquences au fond caché des choses humaines, et Dieu sait à qui le rapporter. Qu’importent l’oubli et l’ingratitude des hommes, si le juge suprême est reconnaissant ?

Les documents qui servent de témoignage à ce récit sont dus aux recherches savantes et consciencieuses de M. Jung, bibliothécaire de la ville, et de M. Schnéegands, archiviste à Strasbourg, ainsi qu’au traité de M. Didot sur la typographie.