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JEANNE D’ARC.

écoutée à la place des dieux dans leur âme. Comment une pauvre bergère d’un village hanté par les fées, nourrie de ces révélations populaires par sa mère et par ses compagnes, aurait-elle douté de ce que Socrate et Platon consentaient et croire ? La candeur fut le piége de sa foi, son inspiration eut les vertiges de son âge, de son sexe, de son époque, de sa crédulité. Elle crut a des voix, des visions, des prodiges ; mais l’inspiration elle-même fut la merveille, et le patriotisme triomphant atteste du moins en elle la divinité du sentiment et la vérité du cœur.

Elle entendit longtemps ces voix avant d’en parler même à sa mère. Un éblouissement de ses yeux les lui faisait présager par une explosion de douce lumière qu’elle se figurait découler du ciel. Tantôt ces voix lui recommandaient la sagesse, la piété, la virginité ; tantôt elles l’entretenaient des plaies de la France et des gémissements du pauvre peuple. Un jour, à midi, dans le jardin où elle était seule, sous l’ombre du mur de l’église, elle entendit distinctement une voix mâle qui l’appela par son nom, et qui lui dit : « Jeanne, lève-toi ; va au secours du Dauphin, rends-lui son royaume de France ! »

L’éblouissement fut si céleste, la voix si distincte, et la sommation si impérative, qu’elle tomba sur ses genoux, et qu’elle répondit en s’excusant : « Comment le ferais-je, puisque je ne suis qu’une pauvre fille, que je ne saurais ni chevaucher, ni conduire des hommes d’armes ? »

La voix ne se contente pas de ces excuses : « Tu iras, dit-elle à Jeanne, trouver le seigneur de Baudricourt, capitaine pour le roi à Vaucouleurs, et il te fera conduire au Dauphin. Ne crains rien ; sainte Catherine et sainte Marguerite viendront t’assister. »

A cette première vision, qui la lit trembler et pleurer d’angoisse, mais qu’elle garda encore comme un secret entre elle et les anges, d’autres succédèrent. Elle vit saint