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JEANNE D’ARC.

que par sa patience et par sa douceur. L’un d’eux lui dit : Mais si Dieu a résolu de sauver la France, il n’a pas besoin de gens d’armes. — Eh ! mon Dieu, répondit-elle, les gens d’armes batailleront, et Dieu donnera victoire. »

Un autre lui dit : « Si vous ne donnez point d’autre preuve de la vérité de vos paroles, le roi ne vous prêtera point de soldats pour les mettre en péril. — Par mon Dieu ! répliqua Jeanne, ce n’est pas à Poitiers que j’ai été envoyée pour donner des signes ; mais conduisez-moi à Orléans, avec si peu d’hommes que vous voudrez, et je vous en donnerai. Le signe que je dois donner, c’est de faire lever le siège d’Orléans ! »

Et comme les docteurs lui citaient des textes et des livres qui défendaient de croire légèrement à ces révélations : Cela est vrai, répondit-elle ; mais il y a plus de choses écrites au livre de Dieu qu’en ceux des hommes. »

Enfin, les évêques déclarèrent que rien n’était impossible à Dieu, et que la Bible était pleine de mystères et d’exemples qui pouvaient autoriser une humble femme a combattre sous des habits d’homme pour la délivrance de son peuple. La reine Yolande de Sicile, belle-mère du Dauphin, et les dames les plus vénérées de la cour, attestèrent la pureté de vie et la virginité de la prophétesse. On n’hésita plus a lui confier l’armée qui devait, sous le duc d’Alençon, son plus zélé croyant, aller secourir Orléans.

On lui forgea une armure légère et blanche de couleur, en signe de la candeur de l’héroïne. Elle réclama une longue épée rouillée, marquée de cinq croix, qu’elle déclara être enfouie dans la chapelle d’une église voisine de Chinon, et qu’on y trouva. On lui remit en main un étendard blanc aussi, semé de fleurs de lis, fleurs héraldiques de la France. Elle chevaucha ainsi, suivie d’un vieux et brave chevalier, son protecteur, nommé Daulon ; de deux jeunes enfants, ses pages ; de deux hérauts d’armes, d’un