Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 36.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
MILTON.

» Alors, d’une voix presque inarticulée, comme quand le léger zéphyr du matin souffle en balançant les tiges des fleurs, il touche doucement de la main la main d’Ève, et lui murmure ces mots :

» — Éveille-toi, ma belle entre toutes les choses belles ; mon épouse, mon dernier don du ciel, trouvé, par mes yeux et par mon cœur, supérieur à tous les autres dons, mon ivresse toujours épuisée et toujours nouvelle !

» Éveille-toi ! le matin resplendit, et la campagne, humide de fraîcheur nocturne, nous convie. Nous perdons la fleur du jour, le moment d’admirer comment respirent nos plantes favorites, qui aussi s’éveillent ; comment le bois d’orangers ouvre et sème ses calices, d’où découle la myrrhe ; comment le roseau parfumé distille son miel ; comment la nature compose et fond ses nuances sur les fleurs, et comment l’abeille bourdonnante se pose sur le bord des calices pour y pomper son nectar liquide ! »

» Ce chuchotement des lèvres de son époux réveilla Éve ; elle leva sur Adam un regard où se lisait un reste d’effroi, et, l’enlaçant dans ses bras, elle lui dit :

» — O toi ! le seul être en qui mes pensées trouvent tout repos, toute gloire, toute perfection, que j’ai de joie de revoir ton visage quand revient l’aurore ! Cette nuit, je rêvais ! »

Elle lui raconte l’apparition en songe et les séductions du serpent tentateur.

« Ainsi, reprend le poëte, Ève raconta sa nuit, et ainsi Adam lui répondit :

» — Image la plus accomplie et moitié la plus chère de moi-même, aucun mal ne peut résider en toi, la plus pure des créatures ! Ne sois pas triste, ne couvre pas de ce nuage tes yeux, ordinairement plus sereins que le sourire de l’aube à son réveil ne l’est à la terre ! Levons-nous d’ici pour aller errer parmi les bocages, les fon-