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FÉNELON.

Bossuet était le ministre intime de cet empire absolu sur les consciences. Réunissant en lui le double caractère de prêtre controversiste et d’homme d’État, il servait avec l’ardeur de son caractère et de sa foi l’Église par le roi, le roi par l’Église. Son ambition élevée, qu’il se dissimulait à lui-même sous la sainteté du zèle, lui faisait tenir une balance égale entre les exigences de la cour de Rome et l’orgueil de Louis XIV. Ménageant habilement la faveur alternative des deux puissances qui se servaient en se redoutant, il conquérait par la main du roi la France protestante au catholicisme, mais il revendiquait pour le roi, dans ce catholicisme français, des attributions temporelles et des libertés voisines de la révolte et qui touchaient au schisme. Serviteur ardent mais superbe, Bossuet s’imposait ainsi à Rome par ses services à l’Église, à Versailles par son ascendant à Rome, au monde par la sublimité de son génie. Sans avoir le titre, il avait l’omnipotence de patriarche en France. La cour le craignait et le vénérait. Madame de Maintenon, sans satisfaire l’ambition de Bossuet, qui aspirait à l’archevêché de Paris et au cardinalat, mais qui, du haut de cette position, serait devenu trop absolu et peut-être indocile, ménageait en lui l’oracle de l’Église et le conseil de conscience du roi. Bien qu’elle eût été arrachée elle-même de son berceau par la persécution à la foi réformée de sa famille, elle trempait dans cette persécution de toute son influence sur l’esprit de Louis XIV. L’autorité de Dieu et l’autorité du roi, confondues dans un seul et même pouvoir, lui paraissaient, ainsi qu’à la cour, sanctifier toutes les rigueurs de cette conversion en masse. Une persécution dont deux siècles n’ont pu effacer l’effroi dans la mémoire de ces provinces consternait une partie du Languedoc et le Vivarais. L’excès des sévices criait vengeance. Ce cri des victimes commençait à importuner la cour ; on voulait l’apaiser, non par des libertés rendues à