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FÉNELON.

ministres du roi, c’est la controverse la plus persuasive pour eux… Les peuples ne se gagnent que par la parole… Il faut leur trouver autant de douceurs à rester dans le royaume que de périls à en sortir. »

Cependant on retrouve avec douleur dans d’autres lettres de Fénelon à Bossuet sur ces abjurations quelques traces de timides concessions au zèle impitoyable de ce pontife, et quelques complaisances pour la réduction des peuples à Dieu par l’autorité du prince. Nul homme n’échappe complètement aux idées dominantes, surtout quand cet homme est enrôlé dans un des corps qui entraînent ceux qui leur appartiennent dans les opinions ou dans les passions d’une époque.

A son retour du Poitou, Fénelon fut désigné au roi par le duc de Beauvilliers et par madame de Maintenon pour précepteur du duc de Bourgogne, son petit-fils. Le duc de Beauvilliers était gouverneur du jeune prince héritier du trône. Ce choix honorait le gouverneur, madame de Maintenon et le roi. Fénelon semblait avoir été prédestiné par la nature à ces fonctions : son âme était royale, il n’avait qu’à la faire passer par les leçons dans l’enfant destiné au trône, pour en faire un roi accompli, pasteur des peuples, dans l’antique acception de ce titre. Il n’avait point brigué cette élévation. La fortune l’avait découvert d’elle-même dans le demi-jour où il s’enfermait. Ses amis se réjouirent pour lui, s’aflligèrent pour eux. La cour allait leur dérober son intimité. Bossuet, en apprenant cette nomination, sur laquelle il avait été certainement consulté, répandit sa joie dans une lettre de quelques lignes à madame de Montmorency-Laval, cousine et amie de Fénelon.

« Hier, madame, écrit-il, j’étais tout occupé du bonheur de l’Église et de l’État. Aujourd’hui, j’ai le loisir de réfléchir avec plus d’attention à votre bonheur, il m’en a