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MADAME DE SÉVIGNÉ.

lière, madame de Montespan, mademoiselle de Lavergne, Henriette d’Angennes, devenue comtesse d’Olonne, célèbre alors par sa beauté, depuis par ses scandales ; madame de La Fayette, l’amie du grand duc de La Rochefoucauld, l’auteur des Maximes ; La Rochefoucauld lui-même, ce juge difficile et souverain des mérites et des grâces ; de Vardes, Turenne, Bossuet, Corneille, Fénelon, Racine, Molière, La Fontaine, Boileau, apparaissent ou disparaissent tour à tour sur l’horizon du grand siècle. Voilà cette société de la vie entière de madame de Sévigné ; voilà, les amis, les correspondants ou les sujets de son long commerce épistolaire. Si son temps, revivant dans ses lettres, doit beaucoup à l’intérêt que son style sait y répandre, on ne peut nier que ces lettres ne doivent beaucoup à l’intérêt du temps.

Plusieurs de ces hommes, encore jeunes et déjà illustres, s’efforçaient d’effacer dans le cœur de la belle veuve le souvenir de son mari ; le prince de Conti et le surintendant général des finances, le tout-puissant Fouquet, l’obsédaient de leur culte. Fouquet est le seul qui paraît avoir effleuré son cœur. Jeune, beau, respectueux dans les formes, audacieux dans les pensées, disposant en maître aussi absolu que Richelieu ou Mazarin des trésors de la France, tenant dans ses mains les rênes du royaume, assez puissant pour inspirer des ombrages fondés au jeune roi, assez téméraire pour affecter la rivalité avec le roi lui-même en amour, Fouquet s’était déclaré hautement l’adorateur de madame de Sévigné. Elle avait été, sinon touchée, au moins reconnaissante d’un hommage qui effaçait par tant d’éclat tous les autres. Être la pensée dominante d’un homme vers lequel se tournaient alors toutes les pensées de l’amour ou de l’ambition des femmes de cette cour, faisait pardonner par madame de Sévigné au surintendant du royaume la témérité de ses hommages secrets et publics. C’est la seule cir-