nous passerons. Pour moi, je ne suis pas reconnaissable, et je ne crois pas que je puisse aller jusque-là…
» Au fond de mon cœur, j’ai un petit brin d’espérance ; je ne sais d’où il vient, ni où il va, et même il n’est pas assez grand pour que je puisse dormir en repos… Je ne puis voir que les gens avec qui j’en puis parler, et qui sont dans les mêmes sentiments que moi. Elle (madame du Plessis) espère comme je fais, sans en savoir la raison. « Mais pourquoi espérez-vous ? — Parce que j’espère. » Voila nos réponses ; ne sont-elles pas bien raisonnables ? Si nous avions un arrêt tel que nous le souhaitons, le comble de ma joie serait de vous envoyer un homme à cheval à toute bride, qui vous apprendrait cette agréable nouvelle ; et le plaisir d’imaginer celui que je vous ferais rendrait le mien entièrement complet. »
Plus loin, elle écrit : « Je ne saurais dire ce que je ferai si cela n’est pas ; je ne comprends pas moi-même ce que je deviendrai. »
Elle relève avec orgueil tout ce qui est digne, elle blâme tendrement tout ce qui est imprudent dans les paroles de l’accusé. Elle déplore quelques impatiences de Fouquet contre ses juges.
« Cette manière n’est pas bonne, dit-elle aux Arnauld ; il se corrigera ; mais, en vérité, la patience échappe, et il me semble que je ferais tout comme lui. »
Elle revient à Paris au moment où le sort de son ami va se décider ; elle s’absorbe dans cette seule pensée ; elle se nourrit de ses espérances et de ses craintes ; elle veut l’entrevoir une dernière fois quand il va comparaître devant le tribunal, elle se déguise, elle couvre son visage d’un masque, en usage alors, pour cacher la pâleur et le frisson de ses traits. « Ses jambes tremblent, son cœur bat si vite à son apparition, dit-elle, qu’elle est prête à tomber en défaillance. Je ne crois pas qu’il m’ait reconnue, écrit-elle